Sa Sainteté le pape Pie X a consacré deux actes à la condamnation des lois iniques de séparation et de mainmise sur les biens d'Eglise : l'encyclique Vehementer Nos et l'allocution au consistoire Gravissimum.
Vehementer Nos Lettre encyclique du 11 février 1906 du Pape Saint Pie X
Vehementer Nos
Lettre encyclique du 11 février 1906
Pie X, Pape
Aux archevêques, évêques, au clergé et au peuple français,
à Nos bien-aimés fils :
François-Marie Richard, cardinal prêtre de la Sainte Église romaine,
archevêque de Paris ;
Victor-Lucien Lecot, cardinal prêtre de la Sainte Église romaine,
archevêque de Bordeaux ;
Pierre-Hector Coullié, cardinal prêtre de la Sainte Église romaine,
archevêque de Lyon ;
Joseph-Guillaume Labouré, cardinal prêtre de la Sainte Église romaine,
archevêque de Rennes,
et à tous Nos vénérables frères, les archevêques et évêques
et à tout le clergé et le peuple français,
Vénérables Frères, bien-aimés fils, Salut et Bénédiction apostolique !
Notre âme est pleine d’une douloureuse sollicitude et Notre cœur se remplit d’angoisse quand
Notre pensée s’arrête sur vous. Et comment en pourrait-il être autrement, en vérité, au lendemain
de la promulgation de la loi qui, en brisant violemment les liens séculaires par lesquels votre
nation était unie au Siège apostolique, crée à l’Église catholique, en France, une situation indigne
d’elle et lamentable à jamais.
Événement des plus graves sans doute que celui-là ; événement que tous les bons esprits
doivent déplorer, car il est aussi funeste à la société civile qu’à la religion ; mais événement qui n’a
pu surprendre personne pourvu que l’on ait prêté quelque attention à la politique religieuse suivie
en France dans ces dernières années.
Pour vous, vénérables frères, elle n’aura été bien certainement ni une nouveauté, ni une
surprise, témoins que vous avez été des coups si nombreux et si redoutables tour à tour portés par
l’autorité publique à la religion.
Les attentats passés
Vous avez vu violer la sainteté et l’inviolabilité du mariage chrétien par des dispositions
législatives en contradiction formelle avec elles, laïciser les écoles et les hôpitaux, arracher les
clercs à leurs études et à la discipline ecclésiastique pour les astreindre au service militaire,
disperser et dépouiller les congrégations religieuses et réduire la plupart du temps leurs membres
au dernier dénuement. D’autres mesures légales ont suivi, que vous connaissez tous. On a abrogé
la loi qui ordonnait des prières publiques au début de chaque session parlementaire et à la rentrée
des tribunaux, supprimé les signes traditionnels à bord des navires le Vendredi Saint, effacé du
serment judiciaire ce qui en faisait le caractère religieux, banni des tribunaux, des écoles, de
l’armée, de la marine, de tous les établissements publics enfin, tout acte ou tout emblème qui
pouvait, d’une façon quelconque, rappeler la religion.
Ces mesures et d’autres encore qui peu à peu séparaient de fait l’Église de l’État n’étaient rien
autre chose que des jalons placés dans le but d’arriver à la séparation complète et officielle. Leurs
promoteurs eux-mêmes n’ont pas hésité à le reconnaître hautement, et maintes fois.
Pour écarter une calamité si grande, le Siège apostolique, au contraire, n’a absolument rien
épargné. Pendant que, d’un côté, il ne se lassait pas d’avertir ceux qui étaient à la tête des affaires
françaises et qu’il les conjurait à plusieurs reprises de bien peser l’immensité des maux
qu’amènerait infailliblement leur politique séparatiste, de l’autre, il multipliait vis-à-vis de la
France les témoignages éclatants de sa condescendante affection.
Il avait le droit d’espérer ainsi, grâce aux liens de la reconnaissance, de pouvoir retenir ces
politiques sur la pente et de les amener enfin à renoncer à leurs projets ; mais, attentions, bons
offices, efforts tant de la part de Notre Prédécesseur que de la Nôtre, tout est resté sans effet, et la
violence des ennemis de la religion a fini par emporter de vive force ce à quoi pendant longtemps
ils avaient prétendu à l’encontre de vos droits de nation catholique et de tout ce que pouvaient
souhaiter les esprits qui pensent sagement.
C’est pourquoi, dans une heure aussi grave pour l’Église, conscient de Notre charge
apostolique, Nous avons considéré comme un devoir d’élever Notre voix et de vous ouvrir Notre
âme, à vous, vénérables Frères, à votre clergé et à votre peuple, à vous tous que Nous avons
toujours entourés d’une tendresse particulière, mais qu’en ce moment, comme c’est bien juste,
Nous aimons plus tendrement que jamais.
Fausseté du principe de la Séparation
Qu’il faille séparer l’État de l’Église, c’est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse
erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l’État ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est
tout d’abord très gravement injurieuse pour Dieu, car le Créateur de l’homme est aussi le
fondateur des sociétés humaines et il les conserve dans l’existence comme il nous soutient.
Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour
l’honorer.
En outre, cette thèse est la négation très claire de l’ordre surnaturel ; elle limite, en effet,
l’action de l’État à la seule poursuite de la prospérité publique durant cette vie, qui n’est que la
raison prochaine des sociétés politiques, et elle ne s’occupe en aucune façon, comme lui étant
étrangère, de leur raison dernière qui est la béatitude éternelle proposée à l’homme quand cette vie
si courte aura pris fin.
Et pourtant, l’ordre présent des choses qui se déroulent dans le temps se trouvant subordonné à
la conquête de ce bien suprême et absolu, non seulement le pouvoir civil ne doit pas faire obstacle
à cette conquête, mais il doit encore nous y aider.
Cette thèse bouleverse également l’ordre très sagement établi par Dieu dans le monde, ordre
qui exige une harmonieuse concorde entre les deux sociétés.
Ces deux sociétés, la société religieuse et la société civile, ont en effet les mêmes sujets, quoique
chacune d’elles exerce dans sa sphère propre son autorité sur eux.
Il en résulte forcément qu’il y aura bien des matières dont elles devront connaître l’une et
l’autre, comme étant de leur ressort à toutes deux.
Or, qu’entre l’État et l’Église l’accord vienne à disparaître, et de ces matières communes
pulluleront facilement les germes de différends qui deviendront très aigus des deux côtés.
La notion du vrai en sera troublée et les âmes en seront remplies d’une grande anxiété.
Enfin, cette thèse inflige de graves dommages à la société civile elle-même, car elle ne peut pas
prospérer ni durer longtemps lorsqu’on n’y fait point sa place à la religion, règle suprême et
souveraine maîtresse quand il s’agit des droits de l’homme et de ses devoirs. Aussi, les pontifes
romains n’ont-ils pas cessé, suivant les circonstances et selon les temps, de réfuter et de
condamner la doctrine de la séparation de l’Église et de l’État.
Notre illustre prédécesseur Léon XIII, notamment, a plusieurs fois et magnifiquement exposé
ce que devraient être, suivant la doctrine catholique, les rapports entre les deux sociétés. « Entre
elles, a-t-il dit, il faut nécessairement qu’une sage union intervienne, union qu’on peut non sans
justesse comparer à celle qui réunit dans l’homme l’âme et le corps. Quædam intercedat necesse est
ordinata colligatio (inter illas) quæ quidem conjunctioni non immerito comparatur per quam anima et
corpus in homine copulantur. » Il ajoute encore : « Les sociétés humaines ne peuvent, sans devenir
criminelles, se conduire comme si Dieu n’existait pas, ni refuser de se préoccuper de la religion
comme si elle leur était chose étrangère ou qui ne pût leur servir de rien. Quant à l’Église, qui a
Dieu lui-même pour auteur, l’exclure de la vie active de la nation, des lois, de l’éducation de la
jeunesse, de la société domestique, c’est commettre une grande et pernicieuse erreur ! Civitates
non possunt, citra scelus, gerere se, tanquam si Deus omnino non esset, aut curam religionis velut alienam
nihilque profuturam abjicere. Ecclesiam vero, quam Deus ipse constituit, ab actione vitæ excludere, a
legibus, ab institutione adolescentium, a societate domestica, magnus et perniciosus est error » (Lettre
encyclique Immortale Dei, 1er novembre 1885).
La Séparation est particulièrement funeste et injuste en France
Que si en se séparant de l’Église, un État chrétien, quel qu’il soit, commet un acte
éminemment funeste et blâmable, combien n’est-il pas à déplorer que la France se soit engagée
dans cette voie, alors que, moins encore que toutes les autres nations, elle n’eût dû y entrer, la
France, disons-Nous, qui, dans le cours des siècles, a été, de la part de ce Siège apostolique, l’objet
d’une si grande et si singulière prédilection, la France, dont la fortune et la gloire ont toujours été
intimement unies à la pratique des mœurs chrétiennes et au respect de la religion.
Le même pontife Léon XIII avait donc bien raison de dire : « La France ne saurait oublier que
sa providentielle destinée l’a unie au Saint-Siège par des liens trop étroits et trop anciens pour
qu’elle veuille jamais les briser. De cette union, en effet, sont sorties ses vraies grandeurs et sa
gloire la plus pure. Troubler cette union traditionnelle, serait enlever à la nation elle-même une
partie de sa force morale et de sa haute influence dans le monde » (Allocution aux pèlerins
français, 13 avril 1888).
Les liens qui consacraient cette union devaient être d’autant plus inviolables qu’ainsi l’exigeait
la foi jurée des traités. Le Concordat passé entre le Souverain Pontife et le gouvernement français,
comme du reste tous les traités du même genre, que les États concluent entre eux, était un contrat
bilatéral, qui obligeait des deux côtés : le Pontife romain d’une part, le chef de la nation française
de l’autre, s’engagèrent donc solennellement, tant pour eux que pour leurs successeurs, à
maintenir inviolablement le pacte qu’ils signaient.
Il en résultait que le Concordat avait pour règle la règle de tous les traités internationaux, c’est-
à-dire le droit des gens, et qu’il ne pouvait, en aucune manière, être annulé par le fait de l’une
seule des deux parties ayant contracté. Le Saint-Siège a toujours observé avec une fidélité
scrupuleuse les engagements qu’il avait souscrits et, de tout temps, il a réclamé que l’État fît
preuve de la même fidélité. C’est là une vérité qu’aucun juge impartial ne peut nier. Or,
aujourd’hui, l’État abroge de sa seule autorité le pacte solennel qu’il avait signé.
Il transgresse ainsi la foi jurée et, pour rompre avec l’Église, pour s’affranchir de son amitié, ne
reculant devant rien, il n’hésite pas plus à infliger au Siège apostolique l’outrage qui résulte de
cette violation du droit des gens qu’à ébranler l’ordre social et politique lui-même, puisque, pour
la sécurité réciproque de leurs rapports mutuels, rien n’intéresse autant les nations qu’une fidélité
irrévocable dans le respect sacré des traités.
Aggravation de l’injure
La grandeur de l’injure infligée au Siège apostolique par l’abrogation unilatérale du Concordat
s’augmente encore et d’une façon singulière quand on se prend à considérer la forme dans laquelle
l’État a effectué cette abrogation. C’est un principe admis sans discussion dans le droit des gens et
universellement observé par toutes les nations que la rupture d’un traité doit être préventivement
et régulièrement notifiée d’une manière claire et explicite à l’autre partie contractante par celle qui
a l’intention de dénoncer le traité. Or, non seulement aucune dénonciation de ce genre n’a été
faite au Saint-Siège, mais aucune indication quelconque ne lui a même été donnée à ce sujet ; en
sorte que le gouvernement français n’a pas hésité à manquer vis-à-vis du Siège apostolique aux
égards ordinaires et à la courtoisie dont on ne se dispense même pas vis-à-vis des États les plus
petits, et ses mandataires, qui étaient pourtant les représentants d’une nation catholique, n’ont pas
craint de traiter avec mépris la dignité et le pouvoir du Pontife, chef suprême de l’Église, alors
qu’ils auraient dû avoir pour cette puissance un respect supérieur à celui qu’inspirent toutes les
autres puissances politiques et d’autant plus grand que, d’une part, cette puissance a trait au bien
éternel des âmes et que, d’autre part, elle s’étend partout sans limites.
Injustice et périls des dispositions de la loi examinée en détail
Associations cultuelles
Si Nous examinons maintenant en elle-même la loi qui vient d’être promulguée, Nous y
trouvons une raison nouvelle de Nous plaindre encore plus énergiquement. Puisque l’État,
rompant les liens du Concordat, se séparait de l’Église, il eût dû comme conséquence naturelle lui
laisser son indépendance et lui permettre de jouir en paix du droit commun dans la liberté qu’il
prétendait lui concéder. Or, rien n’a été moins fait en vérité. Nous relevons, en effet, dans la loi,
plusieurs mesures d’exception, qui, odieusement restrictives, mettent l’Église sous la domination
du pouvoir civil. Quant à Nous, ce Nous a été une douleur bien amère que de voir l’État faire
ainsi invasion dans des matières qui sont du ressort exclusif de la puissance ecclésiastique, et Nous
en gémissons d’autant plus qu’oublieux de l’équité et de la justice, il a créé par là à l’Église de
France une situation dure, accablante et oppressive de ses droits les plus sacrés.
Les dispositions de la nouvelle loi sont, en effet, contraires à la Constitution suivant laquelle
l’Église a été fondée par Jésus-Christ. L’Écriture nous enseigne, et la tradition des Pères nous le
confirme, que l’Église est le corps mystique du Christ, corps régi par des pasteurs et des docteurs
(Ephes. iv, 11 et sqq.), société d’hommes, dès lors, au sein de laquelle des chefs se trouvent qui ont
de pleins et parfaits pouvoirs pour gouverner, pour enseigner et pour juger (Matth. xxviii, 18-20 ;
xvi, 18-19 ; xviii, 17 ; Tit. ii, 15 ; II Cor. x, 6 ; xiii, 10 et alibi).
Il en résulte que cette Église est par essence une société inégale, c’est-à-dire une société
comprenant deux catégories de personnes : les pasteurs et le troupeau, ceux qui occupent un rang
dans les différents degrés de la hiérarchie et la multitude des fidèles ; et ces catégories sont
tellement distinctes entre elles, que dans le corps pastoral seul résident le droit et l’autorité
nécessaires pour promouvoir et diriger tous les membres vers la fin de la société.
Quant à la multitude, elle n’a pas d’autre devoir que celui de se laisser conduire et, troupeau
docile, de suivre ses pasteurs.
Saint Cyprien, martyr, exprime cette vérité d’une façon admirable, quand il écrit : « Notre
Seigneur dont nous devons révérer et observer les préceptes réglant la dignité épiscopale et le
mode d’être de son Église, dit dans l’Évangile, en s’adressant à Pierre : Ego dico tibi quia tu es
Petrus, etc. »
Aussi, « à travers les vicissitudes des âges et des événements, l’économie de l’épiscopat et la
constitution de l’Église se déroulent de telle sorte que l’Église repose sur les évêques et que toute
sa vie active est gouvernée par eux. Dominus noster cujus præcepta metuere et servare debemus,
Episcopi honorem et Ecclesiæ suæ rationem disponens in Evangelio loquitur et dixit Petro : ego dico tibi
quia tu es Petrus, etc. Inde per temporum et successionum vices Episcoporum ordinatio et Ecclesiae ratio
decurrit ut Ecclesia super Episcopos constituatur et omnis actus Ecclesiæ per eosdem præpositos
gubernetur » (Saint Cyprien, epist. xxxiii [al. xxvii] ad lapsos, n. 1).
Saint Cyprien affirme que tout cela est fondé sur une loi divine : « Divina lege fundatum. »
Contrairement à ces principes, la loi de séparation attribue l’administration et la tutelle du
culte public, non pas au corps hiérarchique divinement institué par le Sauveur, mais à une
association de personnes laïques.
À cette association elle impose une forme, une personnalité juridique ; et, pour tout ce qui
touche au culte religieux, elle la considère comme ayant seule des droits civils et des
responsabilités à ses yeux. Aussi est-ce à cette association que reviendra l’usage des temples et des
édifices sacrés. C’est elle qui possédera tous les biens ecclésiastiques, meubles et immeubles ; c’est
elle qui disposera, quoique d’une manière temporaire seulement, des évêchés, des presbytères et
des séminaires ! C’est elle, enfin, qui administrera les biens, réglera les quêtes et recevra les
aumônes et les legs destinés au culte religieux. Quant au corps hiérarchique des pasteurs, on fait
sur lui un silence absolu ! Et si la loi prescrit que les associations cultuelles doivent être constituées
conformément aux règles d’organisation générale du culte, dont elles se proposent d’assurer
l’exercice, d’autre part, on a bien soin de déclarer que, dans tous les différends qui pourront naître
relativement à leurs biens, seul le Conseil d’État sera compétent. Ces associations cultuelles elles-
mêmes seront donc, vis-à-vis de l’autorité civile dans une dépendance telle, que l’autorité
ecclésiastique, et c’est manifeste, n’aura plus sur elles aucun pouvoir. Combien toutes ces
dispositions seront blessantes pour l’Église et contraires à ses droits et à sa constitution divine ! Il
n’est personne qui ne l’aperçoive au premier coup d’œil, sans compter que la loi n’est pas conçue,
sur ce point, en des termes nets et précis, qu’elle s’exprime d’une façon très vague et se prêtant
largement à l’arbitraire et qu’on peut, dès lors, redouter de voir surgir de son interprétation même
de plus grands maux !
L’Église ne sera pas libre
En outre, rien n’est plus contraire à la liberté de l’Église que cette loi. En effet, quand, par suite
de l’existence des associations cultuelles, la loi de séparation empêche les pasteurs d’exercer la
plénitude de leur autorité et de leur charge sur le peuple des fidèles ; quand elle attribue la
juridiction suprême sur ces associations cultuelles au Conseil d’État et qu’elle les soumet à toute
Vehementer Nos & Gravissimum, page 5
une série de prescriptions en dehors du droit commun qui rendent leur formation difficile, et plus
difficile encore leur maintien ; quand, après avoir proclamé la liberté du culte, elle en restreint
l’exercice par de multiples exceptions ; quand elle dépouille l’Église de la police intérieure des
temples pour en investir l’État ; quand elle entrave la prédication de la foi et de la morale
catholiques et édicte contre les clercs un régime pénal sévère et d’exception ; quand elle sanctionne
ces dispositions et plusieurs autres dispositions semblables où l’arbitraire peut aisément s’exercer :
que fait-elle donc sinon placer l’Église dans une sujétion humiliante et, sous le prétexte de
protéger l’ordre public, ravir à des citoyens paisibles, qui forment encore l’immense majorité en
France, le droit sacré de pratiquer leur propre religion ? Aussi, n’est-ce pas seulement en
restreignant l’exercice de son culte auquel la loi de séparation réduit faussement toute l’essence de
la religion, que l’État blesse l’Église, c’est encore en faisant obstacle à son influence toujours si
bienfaisante sur le peuple et en paralysant de mille manières différentes son action.
C’est ainsi, entre autres choses, qu’il ne lui a pas suffi d’arracher à cette Église les ordres
religieux, ses précieux auxiliaires dans le sacré ministère, dans l’enseignement, dans l’éducation,
dans les œuvres de charité chrétienne ; mais qu’il la prive encore des ressources qui constituent les
moyens humains nécessaires à son existence et à l’accomplissement de sa mission.
Droit de propriété violé
Outre les préjudices et les injures que Nous avons relevés jusqu’ici, la loi de séparation viole
encore le droit de propriété de l’Église et elle le foule aux pieds ! Contrairement à toute justice,
elle dépouille cette Église d’une grande partie d’un patrimoine, qui lui appartient pourtant à des
titres aussi multiples que sacrés. Elle supprime et annule toutes les fondations pieuses très
légalement consacrées au culte divin ou à la prière pour les trépassés. Quant aux ressources que la
libéralité catholique avait constituées pour le maintien des écoles chrétiennes, ou pour le
fonctionnement des différentes œuvres de bienfaisance cultuelles, elle les transfère à des
établissements laïques où l’on chercherait vainement le moindre vestige de religion ! En quoi elle
ne viole pas seulement les droits de l’Église, mais encore la volonté formelle et explicite des
donateurs et des testateurs !
Il Nous est extrêmement douloureux aussi qu’au mépris de tous les droits, la loi déclare
propriété de l’État, des départements ou des communes, tous les édifices ecclésiastiques antérieurs
au Concordat. Et si la loi en concède l’usage indéfini et gratuit aux associations cultuelles, elle
entoure cette concession de tant et de telles réserves qu’en réalité elle laisse aux pouvoirs publics la
liberté d’en disposer.
Nous avons de plus les craintes les plus véhémentes en ce qui concerne la sainteté de ces
temples, asiles augustes de la Majesté divine et lieux mille fois chers, à cause de leurs souvenirs, à
la piété du peuple français ! Car ils sont certainement en danger, s’ils tombent entre des mains
laïques, d’être profanés ! Quand la loi supprimant le budget des cultes exonère ensuite l’État de
l’obligation de pourvoir aux dépenses cultuelles, en même temps elle viole un engagement
contracté dans une convention diplomatique et elle blesse très gravement la justice. Sur ce point,
en effet, aucun doute n’est possible et les documents historiques eux-mêmes en témoignent de la
façon la plus claire. Si le gouvernement français assuma, dans le Concordat, la charge d’assurer
aux membres du clergé un traitement qui leur permit de pourvoir, d’une façon convenable, à leur
entretien et à celui du culte religieux, il ne fit point cela à titre de concession gratuite, il s’y obligea
à titre de dédommagement partiel, au moins vis-à-vis de l’Église, dont l’État s’était approprié les
biens pendant la première Révolution.
D’autre part aussi, quand, dans ce même Concordat et par amour de la paix, le Pontife romain
s’engagea, en son nom et au nom de ses successeurs à ne pas inquiéter les détenteurs des biens qui
avaient été ainsi ravis à l’Église, il est certain qu’il ne fit cette promesse qu’à une condition : c’est
que le gouvernement français s’engagerait à perpétuité à doter le clergé d’une façon convenable et
à pourvoir aux frais du culte divin.
Principe de discorde
Enfin – et comment pourrions-Nous bien Nous taire sur ce point ? – en dehors des intérêts de
l’Église qu’elle blesse, la nouvelle loi sera aussi des plus funestes à votre pays ! Pas de doute, en
effet, qu’elle ne ruine lamentablement l’union et la concorde des âmes. Et cependant, sans cette
union et sans cette concorde, aucune nation ne peut vivre ou prospérer. Voilà pourquoi, dans la
situation présente de l’Europe surtout, cette harmonie parfaite forme le vœu le plus ardent de tous
ceux qui, en France, aimant vraiment leur pays, ont encore à cœur le salut de la patrie.
Quant à Nous, à l’exemple de Notre Prédécesseur et héritier de sa prédilection toute
particulière pour votre nation, Nous Nous sommes efforcé sans doute de maintenir la religion de
vos aïeux dans l’intégrale possession de tous ses droits parmi vous, mais, en même temps, et
toujours ayant devant les yeux cette paix fraternelle, dont le lien le plus étroit est certainement la
religion, Nous avons travaillé à vous raffermir tous dans l’union. Aussi, Nous ne pouvons pas voir,
sans la plus vive angoisse, que le gouvernement français vient d’accomplir un acte qui, en attisant,
sur le terrain religieux, des passions excitées déjà d’une façon trop funeste, semble de nature à
bouleverser de fond en comble tout votre pays.
La condamnation
C’est pourquoi, Nous souvenant de Notre charge apostolique et conscient de l’impérieux
devoir qui Nous incombe de défendre contre toute attaque et de maintenir dans leur intégrité
absolue les droits inviolables et sacrés de l’Église, en vertu de l’autorité suprême que Dieu Nous a
conférée, Nous, pour les motifs exposés ci-dessus, réprouvons et condamnons la loi votée en
France sur la séparation de l’Église et de l’État comme profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu,
qu’elle renie officiellement, en posant en principe que la République ne reconnaît aucun culte.
Nous la réprouvons et condamnons comme violant le droit naturel, le droit des gens et la
fidélité due aux traités, comme contraire à la constitution divine de l’Église, à ses droits essentiels,
à sa liberté ; comme renversant la justice et foulant aux pieds les droits de propriété que l’Église a
acquis à des titres multiples et, en outre, en vertu du Concordat. Nous la réprouvons et
condamnons comme gravement offensante pour la dignité de ce Siège apostolique, pour Notre
personne, pour l’épiscopat, pour le clergé et pour tous les catholiques français.
En conséquence, Nous protestons solennellement de toutes Nos forces contre la proposition,
contre le vote et contre la promulgation de cette loi, déclarant qu’elle ne pourra jamais être
alléguée contre les droits imprescriptibles et immuables de l’Église pour les infirmer.
Aux Évêques et au Clergé — Instructions Pratiques
Nous devions faire entendre ces graves paroles et vous les adresser à vous, vénérables Frères, au
peuple de France et au monde chrétien tout entier, pour dénoncer le fait qui vient de se produire.
Assurément, profonde est Notre tristesse, comme Nous l’avions déjà dit, quand, par avance,
Nous mesurions du regard les maux que cette loi va déchaîner sur un peuple si tendrement aimé
par Nous, et elle Nous émeut plus profondément encore à la pensée des peines, des souffrances,
des tribulations de tout genre qui vont vous incomber à vous aussi vénérables Frères, et à votre
clergé tout entier.
Mais, pour Nous garder au milieu des sollicitudes si accablantes, contre toute affliction
excessive et contre tous les découragements, Nous avons le ressouvenir de la Providence divine
toujours si miséricordieuse et l’espérance mille fois vérifiée que jamais Jésus-Christ n’abandonnera
son Église, que jamais, il ne la privera de son indéfectible appui. Aussi, sommes-Nous bien loin
d’éprouver la moindre crainte pour cette Église. Sa force est divine comme son immuable
stabilité. L’expérience des siècles le démontre victorieusement. Personne n’ignore, en effet, les
calamités innombrables et plus terribles les unes que les autres qui ont fondu sur elle pendant
cette longue durée et là où toute institution purement humaine eût dû nécessairement s’écrouler,
l’Église a toujours puisé dans ses épreuves une force plus vigoureuse et une plus opulente
fécondité.
Quant aux lois de persécution dirigées contre elle, l’histoire nous l’enseigne, et dans des temps
assez rapprochés la France elle-même nous le prouve, forgées par la haine, elles finissent toujours
par être abrogées avec sagesse, quand devient manifeste le préjudice qui en découle pour les États.
Plaise à Dieu que ceux qui en ce moment sont au pouvoir en France suivent bientôt sur ce point
l’exemple de ceux qui les y précédèrent. Plaise à Dieu qu’aux applaudissements de tous les gens de
bien, ils ne tardent pas à rendre à la religion, source de civilisation et de prospérité pour les
peuples, avec l’honneur qui lui est dû, la liberté ! En attendant, et aussi longtemps que durera une
persécution oppressive, revêtus des armes de lumière (Rom. xiii, 12), les enfants de l’Église doivent
agir de toutes leurs forces pour la vérité et pour la justice. C’est leur devoir toujours ! C’est leur
devoir aujourd’hui plus que jamais ! Dans ces saintes luttes, vénérables Frères, vous qui devez être
les maîtres et les guides de tous les autres, vous apporterez toute l’ardeur de ce zèle vigilant et
infatigable, dont de tout temps l’épiscopat français a fourni à sa louange des preuves si connues de
tous ; mais par-dessus tout, Nous voulons, car c’est une chose d’une importance extrême, que,
dans tous les projets que vous entreprendrez pour la défense de l’Église, vous vous efforciez de
réaliser la plus parfaite union de cœur et de volonté !
Nous sommes fermement résolu à vous adresser, en temps opportun, des instructions pratiques
pour qu’elles vous soient une règle de conduite sûre au milieu des grandes difficultés de l’heure
présente. Et Nous sommes certain d’avance que vous vous y conformerez très fidèlement.
Poursuivez cependant l’œuvre salutaire que vous faites, ravivez le plus possible la piété parmi
les fidèles, promouvez et vulgarisez de plus en plus l’enseignement de la doctrine chrétienne,
préservez toutes les âmes qui vous sont confiées des erreurs et des séductions qu’aujourd’hui elles
rencontrent de tant de côtés ; instruisez, prévenez, encouragez, consolez votre troupeau ;
acquittez-vous enfin vis-à-vis de lui de tous les devoirs que vous impose votre charge pastorale.
Dans cette œuvre, vous aurez sans doute, comme collaborateur infatigable, votre clergé. Il est
riche en hommes remarquables par leur piété, leur science, leur attachement au Siège apostolique,
et Nous savons qu’il est toujours prêt à se dévouer sans compter, sous votre direction, pour le
triomphe de l’Église et pour le salut éternel du prochain.
Bien certainement, les membres de ce clergé eux aussi comprendront que dans cette tourmente
ils doivent avoir au cœur les sentiments qui furent jadis ceux des apôtres et ils se réjouiront d’avoir
été jugés dignes de souffrir des opprobres pour le nom de Jésus. Gaudentes quoniam digni habiti
sunt pro nomine Jesu contumeliam pati (Act. v, 41).
Ils revendiqueront donc vaillamment les droits et la liberté de l’Église, mais sans offenser
personne. Bien plus soucieux de garder la charité comme le doivent surtout des ministres de
Jésus-Christ, ils répondront à l’iniquité par la justice, aux outrages par la douceur, et aux mauvais
traitements par des bienfaits.
Au peuple catholique — Appel à l’union
Et maintenant, c’est à vous que Nous Nous adressons, catholiques de France ; que Notre
parole vous parvienne à tous comme un témoignage de la très tendre bienveillance avec laquelle
Nous ne cessons pas d’aimer votre pays et comme un réconfort au milieu des calamités
redoutables qu’il va vous falloir traverser.
Vous savez le but que se sont assigné les sectes impies qui courbent vos têtes sous leur joug, car
elles l’ont elles-mêmes proclamé avec une cynique audace : « Décatholiciser la France ».
Elles veulent arracher de vos cœurs, jusqu’à la dernière racine, la foi qui a comblé vos pères de
gloire, la foi qui a rendu votre patrie prospère et grande parmi les nations, la foi qui vous soutient
dans l’épreuve, qui maintient la tranquillité et la paix à votre foyer, et qui vous ouvre la voie vers
l’éternelle félicité.
C’est de toute votre âme, vous le sentez bien, qu’il vous faut défendre cette foi ; mais ne vous y
méprenez pas, travail et efforts seraient inutiles si vous tentiez de repousser les assauts qu’on vous
livrera sans être fortement unis. Abdiquez donc tous les germes de désunion s’il en existait parmi
vous et faites le nécessaire pour que, dans la pensée comme dans l’action, votre union soit aussi
ferme qu’elle doit l’être parmi des hommes qui combattent pour la même cause, surtout quand
cette cause est de celles au triomphe de qui chacun doit volontiers sacrifier quelque chose de ses
propres opinions.
Si vous voulez dans la limite de vos forces, et comme c’est votre devoir impérieux, sauver la
religion de vos ancêtres des dangers qu’elle court, il est de toute nécessité que vous déployiez dans
une large mesure vaillance et générosité. Cette générosité vous l’aurez, Nous en sommes sûr et, en
vous montrant ainsi charitables vis-à-vis de ses ministres, vous inclinerez Dieu à se montrer de
plus en plus charitable vis-à-vis de vous. Quant à la défense de la religion, si vous voulez
l’entreprendre d’une manière digne d’elle, la poursuivre sans écart et avec efficacité, deux choses
importent avant tout : vous devez d’abord vous modeler si fidèlement sur les préceptes de la loi
chrétienne que vos actes et votre vie tout entière honorent la foi dont vous faites profession ; vous
devez ensuite demeurer très étroitement unis avec ceux à qui il appartient en propre de veiller ici-
bas sur la religion, avec vos prêtres, avec vos évêques et surtout avec ce Siège apostolique, qui est
le pivot de la foi catholique et de tout ce qu’on peut faire en son nom. Ainsi armés pour la lutte,
marchez sans crainte à la défense de l’Église, mais ayez bien soin que votre confiance se fonde
tout entière sur le Dieu dont vous soutiendrez la cause et, pour qu’il vous secoure, implorez-le
sans vous lasser.
Pour Nous, aussi longtemps que vous aurez à lutter contre le danger, Nous serons de cœur et
d’âme au milieu de vous. Labeurs, peines, souffrances, Nous partagerons tout avec vous et,
adressant en même temps au Dieu qui a fondé l’Église et qui la conserve, Nos prières les plus
humbles et les plus instantes, Nous le supplierons d’abaisser sur la France un regard de
miséricorde, de l’arracher aux flots déchaînés autour d’elle et de lui rendre bientôt, par
l’intercession de Marie Immaculée, le calme et la paix. Comme présage de ces bienfaits célestes et
pour vous témoigner Notre prédilection toute particulière, c’est de tout cœur que Nous vous
donnons Notre bénédiction apostolique, à vous, vénérables Frères, à votre clergé et au peuple
français tout entier.
Donné à Rome, près Saint-Pierre,
le 11 février de l’année 1906, de Notre pontificat la troisième.
Pius PP. X Vehementer Nos & Gravissimum, pag
Allocution Gravissimum prononcée au Consistoire du 21 février 1906
Vénérables Frères, Ayant à remplir un acte très grave de Notre charge apostolique, Nous vous avons aujourd’huiconvoqués. Nombreuses sont les amertumes et les injustices infligées chaque jour, dans cette tempêtedésastreuse, à l’Église et à Nous, qui, malgré notre indignité, la gouvernons comme vicaire de Jésus-Christ. Mais Nous souvenant néanmoins de la patience de ce même Jésus-Christ et confiant dansses promesses certaines, Nous Nous efforçons de supporter l’adversité avec mansuétude ; afin que,comme lui, Nous marchions dans l’espérance de la gloire des fils de Dieu. Mais l’offense infligée naguère à l’Église et à Nous est si grave et si violente que Nous nepouvons la passer sous silence, et, le voudrions-Nous, Nous ne pourrions la taire sans manquer ànotre devoir.Rappel du droit et des faits Vous devinez, Vénérables Frères, que Nous voulons parler de cette loi absolument inique, ourdiepour la ruine du catholicisme, qui vient d’être promulguée en France en vue de la séparation del’État d’avec l’Église. Notre récente Encyclique adressée aux évêques, au clergé et au peuple français a montrépleinement combien cette loi est odieuse et contraire aux droits de Dieu et de l’Église. Mais pour nenégliger en aucun point Notre charge apostolique, Nous Nous proposons de préciser et deconfirmer solennellement, en votre présence auguste, ce que Nous avons dit. En effet, pouvons-Nous ne pas réprouver cette loi, lorsque son titre même montre sa malice et lacondamne ? Il s’agit, Vénérables Frères, de séparer violemment l’État de l’Église. Donc, telle qu’elleest, elle tend au mépris du Dieu éternel et Très-Haut, puisqu’elle affirme qu’aucun culte ne lui estdit par l’État. Or, Dieu n’est pas seulement le seigneur et le maître des hommes considérésindividuellement, mais il l’est aussi des nations et des États ; il faut donc que ces nations et ceux quiles gouvernent le reconnaissent, le respectent et le vénèrent publiquement. Si l’oubli de ce devoir et ce divorce sont partout injurieux pour la majesté divine, ils sont enFrance une ingratitude plus grande et un malheur plus funeste. Car si l’on considère en toute vérité l’ancienne gloire de la France, on reconnaîtra qu’elle lui vienten majeure partie, et de beaucoup, de la religion et de l’union constante avec le Saint-Siège, qui endécoulait. De plus, cette union de l’Église et de l’État était sanctionnée en France par un pactesolennel. Or, ce qui ne se ferait pour aucun État, si petit qu’il fût, on l’a fait pour le Siège apostolique, dontl’autorité et l’importance sont si grandes dans le monde. En effet, au mépris de tout devoir d’urbanité, contrairement au droit des gens et aux règles desÉtats, ce pacte, si solennel et si légitime, a été déchiré sans aucune déclaration préalable de lavolonté de le rompre, par le fait d’une des parties seulement, sans égard à la foi jurée. Et maintenant, si nous examinons la teneur même de la loi, qui ne voit que le fait de saproposition détruit la constitution même par laquelle Jésus-Christ a façonné l’Église qu’il a acquisepar son sang ? Ainsi, on n’y trouve aucune mention du Pontife romain ni des évêques. Au contraire, toutel’administration et toute la surveillance du culte publie sont remises à des associations de citoyensauxquelles seules, dans tout le domaine religieux, la République reconnaît des droits civils. Et siquelque contestation s’élève entre elles, ce n’est pas par les évêques ni par Nous que le litige sera jugéet tranché, mais par le Conseil d’État. Après l’adoption de cette loi, ce qu’il faut penser, Vénérables Frères, de la liberté de l’Église,Nous l’avons exposé plus amplement dans la Lettre Encyclique rappelée plus haut. Mais ici Nous dirons en résumé que, d’un côté, les évêques ne peuvent plus régir le peuplechrétien dans la pleine souveraineté de leur charge, de l’autre, on enlève au peuple chrétien le droittrès sacré de professer librement sa religion ; enfin, l’action de l’Église sur la société est affaiblie surde nombreux points ou tout fait entravée. Or, cette violation des droits et cette diminution de liberté s’aggravent encore de ce fait quel’Église, par le seul pouvoir de la loi, au mépris de la justice et nonobstant la foi des traités, esttroublée dans la légitime possession de son patrimoine. Quant à la République, elle se délie de toute obligation de subvenir aux dépenses annuelles de lareligion, dépenses que, par une convention, elle avait prises à sa charge en compensation de laspoliation officielle. Condamnation sans appel Après vous avoir fait, en raison de l’importance du sujet, ces communications, Nous rappelant lesdevoirs de la charge apostolique par laquelle Nous sommes tenu de protéger et de défendre par tousles moyens les droits sacrés de l’Église, Nous prononçons solennellement en votre augusteassemblée Notre sentence sur cette loi. En vertu de la suprême autorité dont Nous jouissons comme tenant la place du Christ sur laterre, Nous la condamnons et réprouvons comme injurieuse au Dieu très bon et très grand,contraire à la divine constitution de l’Église, favorisant le schisme, hostile à Notre autorité et à celledes pasteurs légitimes, spoliatrice des biens de l’Église, opposée an droit des gens, ennemie du Siègeapostolique et de Nous-même, très funeste aux évêques, au clergé et aux catholiques de France ;Nous prononçons et Nous déclarons que cette loi n’aura jamais et en aucun cas aucune valeur contreles droits perpétuels de l’Église. Paternelle sympathie Et maintenant, Notre cœur se tourne vers la nation française ; avec elle, Nous sommes affligé ;avec elle, Nous pleurons. Que personne ne pense que Notre amour pour elle s’est refroidi parce queNous avons été si amèrement traité. Nous songeons avec douleur à ces Congrégations privées deleurs biens et de leur patrie. Nous voyons avec une paternelle inquiétude des multitudesd’adolescents réclamant une éducation chrétienne. Nous avons devant les yeux les évêques, NosFrères, et les prêtres jetés au milieu des tribulations et exposés à des maux plus graves encore. Nouschérissons les fidèles opprimés sous cette loi ; Nous les embrassons d’un cœur paternel et pleind’amour. L’audace et l’iniquité des méchants ne pourront jamais effacer les mérites acquis par la France,durant le cours des siècles, envers l’Église. Notre espoir est que ces mérites s’accroîtront encorequand les temps seront redevenus paisibles. C’est pourquoi Nous exhortons Nos Fils chéris à ne passe décourager ni se laisser abattre par les épreuves et les difficultés des temps. Qu’ils veillent, fermesdans la foi ; qu’ils agissent virilement, se rappelant la devise de leurs ancêtres : Christus amat Francos.Le Siège apostolique sera toujours près d’eux, ne laissant jamais la Fille aînée de l’Église réclamerinutilement les secours de sa sollicitude et de sa charité.Vehementer Nos & Gravissimum, page 11Pour télécharger le document en PDF cliquez ICI